Hypothèses
Durant 2 ateliers d’une journée, l’ensemble des 12 dossiers prospectifs a été présenté aux membres du groupe qui pouvaient les commenter et les compléter. A partir des éléments du dossiers, les hypothèses d’évolution des macro-variables ont été construites collectivement en distinguant :
- Les hypothèses tendancielles : qui renvoient aux dynamiques en cours.
- Les hypothèses contrastées : qui reprennent les incertitudes, les controverses, les germes de changement.
- Les hypothèses de rupture : qui renvoient aux ruptures.
Hypothèse tendancielle : des métiers qui disparaissent et d’autres qui appellent à un renouvellement des compétences dans les métiers industriels
Conséquences individuelles et sociétales
L’évolution des métiers concerne les cols bleus mais également les cols blancs. En effet, après que les cols bleus aient été remplacés par les robots, les cols blancs sont menacés par l’IA et par l’automatisation d’une part des processus avancés (activités fondées sur les connaissances) ; d’autre part des activités cognitives (activités fondées sur le raisonnement). Les métiers de back-offices sont les plus touchés par l'essor de l'intelligence artificielle. L’IA trouve des applications dans de nombreuses activités de l’entreprise : analyse des e-mails ou aide aux employés pour s'orienter dans la documentation interne.
Les nouvelles formes d’emploi créent davantage de précarité avec des périodes non rémunérées.
Le recours à de nouvelles formes d’emploi permet de combler les besoins en compétences. Les entreprises recourent à des travailleurs indépendants et à des freelancers mis en relation par des plates-formes globales. Le développement du multi employeur free-lance passerait de 10 % à 20° % en général en France.
Ce besoin en compétences accentue la ségrégation du marché du travail entre un segment « qualification et rémunération faibles » et un segment « compétences et salaires élevés ». Cette distinction est également effective chez les personnels de production (Jirjahn, Kraft, 2010).
Les tensions sociales s’intensifient avec une fracture sociale entre les gens qualifiés, agiles et un bloc de gens qui ne parviennent pas à s’adapter et qui restent en dehors des dispositifs de développement des compétences.
Positionnement des acteurs
Dans l’industrie qui reste un secteur « mal aimé », il s’agit de réduire l’écart entre les compétences nécessaires et les compétences requises pour répondre aux besoins.
Un levier traditionnel reste la formation qui évolue et propose de nouvelles modalités pédagogiques pour répondre aux besoins de l’industrie (modularisation, e-learning…) Ces propositions existantes sont améliorées par l’utilisation du « digital learning ». Ces évolutions améliorent la flexibilité demandée par les entreprises quant au lieu, au moment, à la durée de la formation et apportent un accompagnement personnalisé attendu par les apprenants.
Aux côtés de ces formes traditionnelles renouvelées grâce aux apports du « digital learning », de nouvelles structures proposent de nouvelles manières de former et éduquer. Par exemple, les écoles 42, établissements supérieurs d'autoformation non reconnus par l’État dont l'objectif est de former des développeurs. On peut également évoquer les MOOC (massive open online course).
L’accompagnement proposé par des plateformes en font un nouvel acteur dans la mise en adéquation de l’offre et de la demande. Dans les métiers de relation, les bots vont répondre à la place des humains.
Différentes stratégies sont développées avec une spécialisation des compétences à l’échelle mondiale. Les spécialistes du développement de solutions Industry 4.0 (mobilité, analytics, digital factory, control tower, predictive) sont recrutés dans les pays émergents.
Les plateformes digitales assurent la transparence et le « matching » de l’offre et de la demande de compétences (ex : Creads, Malt, Codeur, Textmaster, Digicomstory,...).
Conséquences pour la production
La flexibilité et l’intelligence de la production s’accroissent avec une accélération des transactions et des prises de décision (résultat de l’automatisation des processus de base des processus avancés et des activités cognitives).
Dans l’industrie, le recours aux travaux en régie se développe avec la mise à disposition de compétences nécessaires. En particulier, le développement s’externalise avec une part significative en régie par les sociétés d’ingénierie. La co-innovation devient la norme avec des salariés bénéficiant du savoir-faire de la société d’ingénierie.
Hypothèse contrastée : une dimension territoriale renforcée avec un rôle de fournisseurs de compétences au plus près des besoins des entreprises
Conséquences individuelles et sociétales
On assiste à un renforcement de la dimension territoriale qui facilite l’accès aux compétences à proximité de l’entreprise. Le renforcement du rôle de la région permet d’optimiser les compétences du bassin d’emploi.
Malgré une certaine précarité, les personnes parviennent à mieux concilier vie privée et vie professionnelle. Elles font preuve de disponibilité pour développer des compétences au service d’un bassin d’emploi auxquelles elles sont attachées. Un revenu lissé sur l’année permet de financer les temps de développement des compétences.
L’organisation autour d’un bassin d’emploi conduit à des transferts de compétences facilités par la proximité avec des échanges intergénérationnels permettant d’améliorer l’utilisation des nouvelles technologies.
Positionnement des acteurs
Des centres de formation sont ouverts dans le territoire par les entreprises.
En travaillant directement avec les acteurs de l’entreprise, les organismes de formation ont bien intégré les opportunités technologiques pour répondre aux besoins de flexibilité des entreprises et aux attentes de personnalisation des apprenants.
Les modes d’acquisition des compétences sont plus ouverts : par exemple le « peer learning … »
Conséquences pour la production
Des gains de productivité passent par de nouveaux process et l’automatisation des activités. L’artisanat trouve de nouvelles voies de développement grâce à l’imprimante 3D. Les régions connaissent un mouvement de réindustrialisation.
Hypothèse de rupture : une présence plus forte de l’IA assistée par l’humain dans l’ensemble des métiers associés à la production et un effacement d’une entité physique de production
Conséquences individuelles et sociétales
La difficulté à prévoir les évolutions et leurs impacts réels conduit à une rupture dans la logique de prévisibilité (fondements des démarches de gestion des compétences initiées par les organisations). Toute recherche d’anticipation des besoins en compétences est déléguée aux acteurs externes proposant des solutions et des compétences. Ce qui devient central n’est plus la vision mais la capacité à développer une nouvelle organisation du travail en réseau.
Du fait de l’évolution du statut de l’emploi, des périodes de travail rémunéré alternent avec des périodes de formation et des périodes dédiées aux activités de R &D. La vie active est prolongée aussi du fait d’un financement des retraites mis en cause par les nouvelles formes d’emploi.
Les cols blancs seraient davantage fragilisés dans leur emploi que les cols bleus. Les cols bleus parviennent à maintenir la valeur de leur expertise dans la production, expertise augmentée par l’accès aux nouvelles technologies La robotisation du tertiaire ne déboucherait pas sur de nouveaux emplois (exemple de plateformes avec bot capables de rendre les services rendus par les fonctions supports telles que RH/ fonctions administratives)
Le travail devient moins pénible et facilite le maintien ou l’accès à l’emploi à davantage de personnes (exemple des salariés âgés) avec des innovations largement diffusées (exemple des exosquelettes).
Positionnement des acteurs
La modification de la relation sachant-apprenant, puisque l’information est accessible pour tous, entraîne une perte de crédit des acteurs traditionnels de la formation.
Dans ce contexte, les acteurs traditionnels de la formation qui ne se seront pas eux-mêmes transformés perdront leur raison d’être et seront privés également des ressources issues de l’organisation traditionnelle du financement.
Conséquences pour la production
Le développement plus rapide de la technologie liée à l’IA conduit à une nouvelle étape de la robotisation incluant la supply chain, les fonctions supports, le commercial et l’utilisation extensive des bots pour prendre en charge les dimensions relationnelles. La production se personnalise.
La production est complètement robotisée avec une surveillance humaine. L’entreprise devient virtuelle, se réduit à une plateforme de gestion de la chaîne de valeur. L’enjeu devient la coordination d’acteurs indépendants, travaillant en réseau et mobilisant les innovations technologiques.
Faciliter cette production en facilitant la coordination des différents acteurs dans la chaîne de valeur devient le rôle de certaines fonctions support reconverties et mobilisées pour soutenir le fonctionnement de la plateforme. La différenciation entre les fonctions/métiers s’estompe totalement avec des travailleurs indépendants se positionnant sur l’ensemble de la chaîne de valeur en fonction de leurs contributions (expertise, innovation technologique, producteur, support…).