Hypothèses
Durant 2 ateliers d’une journée, l’ensemble des 12 dossiers prospectifs a été présenté aux membres du groupe qui pouvaient les commenter et les compléter. A partir des éléments du dossiers, les hypothèses d’évolution des macro-variables ont été construites collectivement en distinguant :
- Les hypothèses tendancielles : qui renvoient aux dynamiques en cours.
- Les hypothèses contrastées : qui reprennent les incertitudes, les controverses, les germes de changement.
- Les hypothèses de rupture : qui renvoient aux ruptures.
Hypothèse tendancielle : Economie de plateformes
Le nombre de données générées continue à croître de manière exponentielle soutenu par le développement de l’accès au très haut débit (5G). La majeure partie des entreprises se trouvent dans l’incapacité de faire face à cette explosion des données et à opérer une mue de leur business model. Elles sont ainsi contraintes de sous-traiter l’exploitation de leurs données auprès des plateformes qui voient leur pouvoir s’accroître de manière sensible. Ces dernières jouent le rôle d’intermédiaire entre l’entreprise et le client ce qui entraîne notamment une réduction de la fonction commerciale.
Dans ce contexte, les marchés du Big data et de l’IoT vont connaître une forte croissance de manière globale (35 milliards d’unités IoT en 2030, taux de croissance supérieur à 5%/an). Ce développement est favorisé par l’amélioration énergétique des infrastructures (LPWA, NB-IoT, 5G, ...) et par l’émergence de standards et de normes qui permettent l’interopérabilité des systèmes. Les acteurs parviennent en effet à coopérer efficacement. Le développement massif de l’IoT suppose un renforcement des technologies de sécurité de l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur et s’accompagne d’investissements importants en matière de cybersécurité.
En ce qui concerne l’industrie, le développement massif que connaît l’IoT touche à l’ensemble de la chaîne de valeur. Il permet également de développer « le test and learn », la co-conception, le co-design via l’usage client et, plus généralement, de prendre en compte de manière plus directe l’expérience client. Le big data se heurte encore à la difficulté d’instaurer une véritable culture « data driven » et de recruter les profils de compétence liés à la gestion de données (data scientist). On s’oriente davantage vers la maîtrise du « fast » que du « big data ». Globalement, les évolutions technologiques permettent aux industriels de développer une personnalisation de masse, d’intégrer dans l’atelier l’ensemble des fonctions, y compris le marketing et le commercial, et de simuler l’ensemble de l’usine via l’usage de « digital twins » .
Hypothèse contrastée : Un développement limité par manque de coopération et par l’apparition de failles sécuritaires. Rapport équilibré entre entreprises et plateformes
Le nombre de données générées continue à croître de manière exponentielle soutenu par le développement de l’accès au très haut débit (5G). Les entreprises cherchent globalement à reprendre en partie la main sur leurs données et ont tendance à davantage rejeter les plateformes et le cloud au profit du développement de leurs propres outils d’exploitation. Les entreprises parviennent ainsi à reconquérir une certaine souveraineté sur leurs données au détriment des plateformes, certains acteurs traditionnels parviennent même à acquérir une position clé dans le secteur du numérique. La position des plateformes devient ainsi globalement plus fragile. Cette fragilité est renforcée par le développement important de l’open data et de l’open. Néanmoins les plateformes sont toujours actives mais cohabitent davantage avec les acteurs traditionnels qui ont su trouver leurs places dans le paysage numérique.
Les marchés du Big data et de l’IoT vont connaître une croissance non pas globale mais sectorielle. Des scandales touchant aux domaines de l’usage de données notamment dans les secteurs des RH, de l’agro-alimentaire et de la santé freinent le développement de l’IoT. Cela induit la mise en œuvre de politique visant le renforcement des pratiques éthiques concernant la collecte et l’usage des données.
Le manque de coopération entre les acteurs (notamment entre les industriels et les plateformes) freine l’émergence de standards et de normes qui a pour conséquence une faible interopérabilité des systèmes. Ce manque de coopération entre acteurs entraîne également un développement ralenti de la cybersécurité alors qu’il y a une demande de renforcement des pratiques éthiques concernant la collecte et l’usage des données
Dans ce contexte d’incertitude technologique, les industriels limitent l’IoT essentiellement à un usage interne (maintenance, gestion de stock, ...) pour maîtriser au maximum les risques. L’usage du big data repose quant à lui en priorité sur des algorithmes de « machine learning » et se centre sur des données restreintes.
Hypothèse de rupture : La rébellion des entreprises et des consommateurs
Le nombre de données générées continue à croître de manière exponentielle soutenu par le développement de l’accès au très haut débit (5G). Des catastrophes technologiques de fortes ampleurs et la multiplication de cyber-attaques notamment dans les secteurs de la santé, du nucléaire et globalement de l’IoT entraînent une forte défiance des consommateurs, des citoyens et des entreprises vis-à-vis des plateformes et du partage de données. Dans ce contexte, les entreprises décident de fermer au maximum l’accès à leurs données et de les gérer via leurs propres clouds et l’organisation en réseaux. Le rapport de force tend largement vers les entreprises au détriment des plateformes et pure players dans la mesure où elles détiennent les données devenues une ressource plus rare et monétisable indispensable à l’alimentation des processus d’IA.
La perte de confiance des consommateurs et des citoyens dans la fiabilité de certaines technologies entraîne un développement des marchés de l’IoT et du big data assez faible et centré sur des applications non sensibles aux problématiques de sécurité. La croissance de ces technologies est également freinée par les conflits ouverts qui couvent entre les industriels et les plateformes. Ces conflits empêchent l’émergence de normes et induisent une non interopérabilité des systèmes. Par ailleurs, le déploiement du réseau 5G est retardé par les résistances des citoyens qui craignent des problèmes de santé.
Dans ce contexte de défiance généralisée, les industriels font un usage marginal des technologies de l’IoT et privilégient la gestion des données internes plutôt que le big data.