Hypothèses

Durant les ateliers, l’ensemble des 11 dossiers prospectifs a été présenté aux membres du groupe qui pouvaient les commenter et les compléter. A partir des éléments du dossiers, les hypothèses d’évolution des macro-variables ont été construites collectivement en distinguant :

 

  • Les hypothèses tendancielles : qui renvoient aux dynamiques en cours.
  • Les hypothèses contrastées : qui reprennent les incertitudes, les controverses, les germes de changement.
  • Les hypothèses de rupture : qui renvoient aux ruptures.

 

 

 

Hypothèse tendancielle (H1) : L’UE face à ses propres contradictions : régulations inégales et innovation freinée

 

L'Union Européenne (UE) joue un rôle crucial dans la mise en place de cadres réglementaires pour l’EC. Toutefois, les réglementations ne s’appliquent qu’aux États membres alors même que le principe de subsidiarité conduit à une réglementation à plusieurs vitesses au sein même de l’UE, créant ainsi des problèmes de concurrence déloyale par rapport aux pays hors UE et entre les États membres. Les réglementations tendent également à soutenir systématiquement les mêmes industries, telles que les secteurs des déchets, des énergies et des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) en France. En se concentrant sur certaines industries "fer de lance", la réglementation européenne limite l'innovation dans d'autres secteurs moins soutenus, freinant ainsi la diversité des solutions nécessaires au développement de l'EC. Enfin, la complexité des règles, la lourdeur des contrôles et le décalage avec les objectifs de durabilité des réglementations ralentissent l’adoption de pratiques circulaires au sein des entreprises.

Par ailleurs, la dépendance stratégique et la spéculation sur certaines matières premières critiques représentent des défis que l'UE tente de contrer par des initiatives visant à diversifier l'approvisionnement européen. Mais ces efforts sont suffisants. 

Les modes de consommation jouent également un rôle déterminant dans l'évolution de la réglementation de l'EC. Bien que cette dernière tende à mieux protéger le consommateur, avec notamment l’amorce d’un droit à la consommation durable, le critère économique demeure le principal facteur de décision des consommateurs. Dans ce cadre, la demande pour les produits éco-conçus reste marginale. Enfin, les labels environnementaux, qui renforcent la confiance des consommateurs, sont devenus un business à part entière. Le rôle de lanceur d’alerte des ONG (« blame shaming ») peut également dissuader les entreprises à s'engager pleinement dans des démarches innovantes.

 

 

Hypothèse contrastée (H2) : Une réglementation simplifiée et un label unique 

 

L’UE, pour éviter la rupture et gagner en efficacité, n’a d’autre choix que d’en finir avec le flou entourant ses dispositifs et le millefeuille des réglementations qui la caractérisait jusqu’à présent. Elle adopte alors un virage radical et novateur en proposant désormais une réglementation unique alignée sur les objectifs de durabilité en lien avec le développement de l’économie circulaire.

Cette nouvelle réglementation simplifiée est co-construite avec les différentes parties prenantes : institutions, entreprises et consommateurs. Le droit à la consommation durable est désormais implanté et déployé auprès de l’ensemble des consommateurs européens. Grâce à cette approche inclusive, la nouvelle réglementation simplifiée gagne en légitimité et en efficacité. Elle permet aussi d’aider les pays en voie de développement hors UE à se rapprocher des objectifs européens.

Par ailleurs, l’accélération de la raréfaction des matières premières critiques devient l’enjeu n°1 qui induit une nouvelle adéquation entre économie et écologie : la réglementation impose désormais la réutilisation systématique des matières premières dans les appels d’offres. L’allongement de la durée de vie des objets par le biais du réemploi, de la réutilisation ou de la réparabilité est valorisée. Enfin, le réemploi d’une partie des matériaux est aussi imposé dans le BTP pour les nouvelles constructions.

Des progrès doivent cependant encore être réalisés dans le domaine de la propriété intellectuelle afin d’inciter davantage les entreprises à innover et il convient de mieux définir ce qui caractérise un produit éco-conçu. Enfin, un label unique, reconnu par toutes les parties prenantes, est instauré tandis que les ONG voient leurs pouvoirs renforcés. Elles travaillent désormais de concert vers des objectifs communs et endossent davantage le rôle d’arbitre.

 

 

Hypothèse de rupture (H3) : Fragmentation réglementaire face aux limites de l’UE

 

La régulation devient avant tout un sujet local. L’UE impose un règlement pour la préservation de l’environnement, vidé de sa substance lors des différentes négociations par les États membres, et sans lien avec les objectifs de durabilité annoncés. De fait, certains États membres se désolidarisent de l’UE et appliquent une régulation plus forte pour leurs territoires et certains envisagent même de quitter l’UE (par ex. Frexit).
Les mouvements sociaux rendent difficiles l’application des réglementations au sein de certains territoires, notamment là où les ménages sont les plus pauvres (par ex. les ménages roumains sont 22 fois plus pauvres que les ménages danois). L’absence d’une UE forte ne permet pas le développement d’un véritable droit européen à la consommation, seul le principe de précaution demeure. Enfin, une partie des consommateurs climatosceptiques sont méfiants face à une réglementation qui pourrait restreindre leur droit à la consommation. Ainsi, imposer la réparation d’un produit (à la place de son remplacement) représenterait une régression de leurs droits.

Face à la raréfaction des matières premières critiques, qui deviennent l’enjeu n°1 pour les entreprises, l’UE ne parvient pas à adopter une stratégie commune. De fait, les entreprises tentent de trouver des solutions (autres sources d’approvisionnement, etc.). L’innovation pour pallier cet enjeu n’est alors pas automatique au sein des entreprises, et il n’existe pas d’uniformisation des pratiques, ni au niveau européen, ni au niveau national. L’innovation est donc avant tout territoriale, pour répondre aux besoins du marché, dans une UE définie avant tout comme un marché commun. 

Dans ce contexte, il existe une multiplication des labels au niveau local et/ou national, avec deux logiques qui coexistent : d’un côté, les labels demeurent avant tout un business, et les ONG sont alors cantonnés à un rôle de lanceur d’alertes ; de l’autre, au sein de certains territoires, certains labels deviennent incontournables, les ONG étant alors gérants (et garants !) de ces derniers.
 

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