Hypothèses
Durant les ateliers, l’ensemble des 11 dossiers prospectifs a été présenté aux membres du groupe qui pouvaient les commenter et les compléter. A partir des éléments du dossiers, les hypothèses d’évolution des macro-variables ont été construites collectivement en distinguant :
- Les hypothèses tendancielles : qui renvoient aux dynamiques en cours.
- Les hypothèses contrastées : qui reprennent les incertitudes, les controverses, les germes de changement.
- Les hypothèses de rupture : qui renvoient aux ruptures.
Hypothèse tendancielle (H1) : Politiques éclectiques limitant le développement de l’industrie
Les stratégies européennes et françaises se centrent sur la transition numérique et écologique des industriels. Elles focalisent leurs moyens sur le processus de décarbonation en reléguant au second plan les questions de biodiversité, de santé ou sociales. Au niveau européen, les moyens consacrés aux politiques industrielles sont significatifs mais restent insuffisants pour combler le retard sur la Chine ou les Etats-Unis. Le déploiement du MACF entraîne une distorsion de la concurrence entre industriels européens (qui doivent augmenter leurs prix pour compenser les mécanismes d’ajustement) et les marchés extérieurs (qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes et peuvent toujours exporter leurs produits finis non concernés par l’application d’une taxe carbone).
A l’échelle nationale, les dispositifs mobilisés parviennent à soutenir l’innovation et la modernisation des secteurs historiques de l’industrie française mais peine toujours à toucher l’ensemble des filières. Par ailleurs, la complexité persistante du paysage des aides constitue un frein à l’accès des entreprises de tailles modestes. La capacité des politiques industriels à développer des innovations de rupture restent limités notamment par des transferts de technologies qui peinent à se déployer de manière significative. Les dispositifs mobilisés souffrent toujours d’un manque d’évaluation et de stabilité dans le temps.
Sur le plan des territoires, Les politiques industrielles se développent en maintenant des processus comme « Territoires d’industrie » qui ont donné des résultats positifs et les régions voient leurs compétences économiques affirmées. Cependant ces politiques restent hétérogènes en fonction de l’historique, de la dynamique et de la spécialisation des territoires. Les dynamiques territoriales sont également renforcés par le développement des EIT qui se déploient et s’institutionnalisent mais peinent à s’inscrire dans des dynamiques pérennes.
Hypothèse contrastée (H2) : Renforcement de l’homogénéisation et de l’ambition des politiques industrielles
Que ce soit à l’échelle européenne ou nationale, les politiques industrielles intègrent désormais la transition écologique non seulement à travers la décarbonation mais en adoptant une perspective plus large ancrée dans les principes de la bioéconomie. Les ambitions de ces politiques sont renforcées par l’augmentation des moyens financiers et la mise en œuvre d’actions offensives. Cela inclut des mesures protectionnistes en matière environnementale, telles que la mise en place d’un Buy European Act et l’application d’un principe de réciprocité sur les taxes des produits importés. De plus, une Mesure d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) plus favorable aux industries européennes est instaurée, contribuant à la re-concentration des chaînes de valeur sur le sol européen et réduisant l'écart concurrentiel avec la Chine et les États-Unis.
Sur le plan national, un effort général d’homogénéisation et de simplification des politiques publiques entre différentes filières améliore leur efficacité. Cependant, des problèmes de stabilité et d’évaluation des politiques persistent. Les politiques territoriales, en particulier, se développent de manière significative et plus cohérente, notamment sous l'impulsion des Écosystèmes d’Innovation Territoriaux (EIT) qui se multiplient et réussissent à se maintenir dans le temps.
Ces EIT jouent un rôle crucial en facilitant la collaboration entre diverses parties prenantes locales, telles que les entreprises, les collectivités et les instituts de recherche, pour promouvoir des initiatives durables et innovantes. Les projets développés au sein de ces écosystèmes bénéficient d'un soutien accru grâce à des financements dédiés et à des infrastructures adaptées. Cette dynamique favorise l’émergence de nouvelles technologies et de pratiques industrielles plus respectueuses de l’environnement, tout en renforçant la compétitivité des entreprises locales sur le marché global.
Hypothèse de rupture (H3) : Une politique industrielle qui s’érige en modèle sur le plan écologique
La politique industrielle ambitieuse de l'Europe permet une forte réindustrialisation et un rattrapage avec la Chine et les États-Unis. Le MACF est étendu aux produits finis, et l'Europe adopte un protectionnisme fort via des barrières à l'entrée pour les produits n'adoptant pas leur approche environnementale globale, inscrite dans une logique de bioéconomie. Ainsi, les mécanismes européens deviennent des modèles sur les marchés extérieurs.
Sur le plan national, une homogénéisation totale des politiques publiques est atteinte, que ce soit entre filières ou entre grands groupes et petites entreprises, grâce à un choc de simplification, l'instauration de mécanismes d'évaluation et la création d'un ministère de l'industrie. Cette simplification permet de réduire la complexité administrative et de rendre les politiques industrielles plus accessibles et efficaces pour toutes les entreprises, indépendamment de leur taille.
Parallèlement, une véritable décentralisation des politiques industrielles est instaurée, avec des moyens mis à disposition des territoires. Les EIT se déploient massivement et deviennent des modèles structurants, favorisant une dynamique locale d'innovation et de développement industriel durable. Ces EIT, soutenus par des financements adéquats, permettent de créer des synergies entre les différents acteurs locaux, tels que les entreprises, les collectivités et les instituts de recherche, pour promouvoir des initiatives écologiquement responsables et économiquement viables.
Les territoires bénéficient ainsi d'une plus grande autonomie dans la mise en œuvre des politiques industrielles, ce qui permet de mieux répondre aux besoins locaux et d'encourager la créativité et l'innovation. Les moyens financiers décentralisés permettent aux régions de développer des infrastructures adaptées et de soutenir des projets innovants, contribuant à une réindustrialisation harmonieuse et durable de l'Europe.
En conclusion, cette approche intégrée et décentralisée de la politique industrielle européenne et nationale, combinée à des mécanismes de protectionnisme environnemental et de simplification administrative, permet de renforcer la compétitivité de l'Europe sur la scène mondiale tout en soutenant une transition vers une économie plus durable et équitable.