Hypothèses
Durant les ateliers, l’ensemble des 11 dossiers prospectifs a été présenté aux membres du groupe qui pouvaient les commenter et les compléter. A partir des éléments du dossiers, les hypothèses d’évolution des macro-variables ont été construites collectivement en distinguant :
- Les hypothèses tendancielles : qui renvoient aux dynamiques en cours.
- Les hypothèses contrastées : qui reprennent les incertitudes, les controverses, les germes de changement.
- Les hypothèses de rupture : qui renvoient aux ruptures.
Hypothèse tendancielle (H1) : Une économie toujours linéaire mais orientée vers la servicisation
Le modèle économique linéaire reste prédominant, soutenu par une consommation continue de matières premières et d'énergie. Cependant, l’économie de la fonctionnalité gagne en importance, stimulée par une baisse généralisée du pouvoir d’achat et une préférence croissante des consommateurs pour l’usage plutôt que la possession. Les chaînes d'approvisionnement courtes deviennent la norme, les longues étant de plus en plus ingérables. La collaboration entre entreprises et parties prenantes locales s'intensifie, mettant l'accent sur les modèles économiques locaux.
L'Indice de Réparabilité, introduit en France, encourage les fabricants à rendre les produits plus faciles à réparer, soutenant ainsi la durabilité des biens. En parallèle, le développement de l'éco-conception et l'analyse du cycle de vie (ACV) jouent un rôle essentiel en permettant la réutilisation des matériaux, réduisant ainsi l'extraction de nouvelles ressources. La technologie et la digitalisation jouent un rôle crucial dans l'optimisation des flux de ressources. Par exemple, l'utilisation de la lignine pour des anodes de batterie vertes améliore l'efficacité énergétique. Ces innovations technologiques permettent une meilleure gestion des ressources et contribuent à la réduction des déchets.
Bien que ces évolutions apportent des bénéfices environnementaux, elles ne remettent pas fondamentalement en cause l'utilisation intensive des ressources naturelles. Les entreprises continuent d'exploiter les matières premières, et la production demeure largement basée sur un modèle linéaire. Néanmoins, l'intégration progressive de l’économie de la fonctionnalité et des pratiques de réparation indique une transition partielle vers des modèles plus durables.
Les efforts pour améliorer la réparabilité des produits et optimiser les chaînes d'approvisionnement montrent une volonté de changement, même si le chemin vers une véritable durabilité reste encore long.
Hypothèse contrastée (H2) : Emergence de modèles intégrés et vertueux pour l’environnement
Les entreprises adoptent massivement des pratiques d'éco-conception, de recyclage et de remanufacturing, devenues obligatoires dans tous les secteurs industriels. Les entreprises spécialisées dans ces compétences techniques émergent pour soutenir l'éco-conception dans d'autres entreprises. Des plateformes facilitent la mise en relation entre les demandeurs et les détenteurs de matières premières, tandis que les foyers des particuliers deviennent des sources de matières premières grâce à une cartographie des gisements.
Une montée en puissance des ateliers de réparation communautaires, favorise l'échange et la réparation des biens plutôt que leur remplacement. Les consommateurs, devenus « prosumers », participent activement à la production via des ateliers de réparation et de troc et contribuent ainsi à une économie plus durable et résiliente. Les bâtiments sont conçus comme des bibliothèques de matériaux réutilisables, soutenant une économie circulaire robuste. La mutualisation des biens, tant pour un usage personnel qu'industriel, devient courante.
Ce modèle économique s'accompagne d'une transition juste, avec la création de nouveaux indicateurs pour valoriser les pratiques durables. Par exemple, une réduction de 30% des déchets industriels est atteinte grâce à des initiatives de recyclage intensives. La collaboration entre les entreprises, les producteurs, les distributeurs et les collectivités est essentielle pour la gestion des déchets. Les nouvelles technologies et la digitalisation jouent un rôle crucial dans l'optimisation des flux de ressources, facilitant le suivi et la gestion des matériaux.
Globalement on voit apparaître une économie fortement intégrée et collaborative, orientée vers la durabilité et la réduction des impacts environnementaux, avec un engagement collectif pour la préservation des ressources et la minimisation des déchets.
Hypothèse de rupture (H3) : Abandon ou dirigisme
Dans cette hypothèse de rupture, deux trajectoires orthogonales se dessinent. Dans le premier cas, l'Europe et la France abandonnent totalement les initiatives d'économie circulaire et de recyclage, jugées inefficaces et coûteuses. Le modèle économique linéaire domine à nouveau sans considération pour les ressources planétaires, menant à une exploitation accrue des matières premières et à une augmentation des déchets. Les avancées technologiques et les pratiques de recyclage sont délaissées, et les produits continuent à être conçus pour une utilisation unique.
Dans le second cas, un modèle radicalement différent émerge avec l'avènement de la « Blue Economy », où les extrants industriels deviennent des intrants pour d'autres processus. Les industries établissent des liens forts avec les parties prenantes locales, formant un maillage dense de coopération et d'échange de produits, matières et services. Une régulation stricte de l'accès aux ressources est mise en place, avec des quotas et un système de rationnement basé sur l'utilité des produits pour la société. Par exemple, l'utilisation du cuivre pourrait être réservée aux applications essentielles comme les infrastructures énergétiques. Ce système de gestion des ressources risque toutefois de se transformer en économie dirigée, voire dictatoriale, imposant des normes et des règles strictes dans tous les aspects de la production et de la consommation. Les consommateurs perdent la propriété individuelle des biens, favorisant une utilisation partagée et collective des ressources. Ce scénario, bien qu'extrême, vise à établir un équilibre durable et résilient, malgré les défis liés à une régulation stricte et à la transition vers des modèles économiques coopératifs et circulaires.
Concernant le contrôle de l’applicabilité des mesures réglementaires, l’Union Européenne instaure des mécanismes de contrôle et d’optimisation pour tous les pays de l’Union Européen avec une adaptation des objectifs à atteindre. En parallèle, la France met aussi en place des mécanismes de contrôle et d’optimisation uniformisés pour toutes les régions. Un système de sanctions et récompenses est initié en fonction du degré d’avancement de chaque pays / région dans le passage à la circularité.