Hypothèses
Durant les ateliers, l’ensemble des 11 dossiers prospectifs a été présenté aux membres du groupe qui pouvaient les commenter et les compléter. A partir des éléments du dossiers, les hypothèses d’évolution des macro-variables ont été construites collectivement en distinguant :
- Les hypothèses tendancielles : qui renvoient aux dynamiques en cours.
- Les hypothèses contrastées : qui reprennent les incertitudes, les controverses, les germes de changement.
- Les hypothèses de rupture : qui renvoient aux ruptures.
Hypothèse tendancielle (H1) : Crises climatiques exacerbent vulnérabilités, inégalités et inefficacités politiques
Les crises climatiques se multiplient et exacerbent la vulnérabilité des populations touchées. Les sécheresses prolongées, les inondations fréquentes, et les tempêtes violentes sont devenus plus courants, détruisant les habitats naturels et réduisant la biodiversité. La déforestation, aggravée par les incendies de forêt de plus en plus fréquents, contribue à une perte de la biomasse essentielle pour la régulation du climat. Malgré une résilience croissante des sociétés, la vision politique reste dominée par des intérêts économiques à court terme. Les efforts internationaux, bien que persistants, sont éparpillés et souvent inefficaces face à l’ampleur des changements. Les initiatives telles que les conférences des parties (COP) ne sont pas suivies par des mesures impactantes : les financements sont compliqués et les gouvernements sont réticents au changement.
La priorité demeure au business, et la considération pour l’environnement est traitée en complément. Le développement technologique vise à soutenir la croissance économique et demeure le levier ultime pour atténuer les impacts environnementaux et atteindre les objectifs de décarbonation. Cependant, ces technologies, comme les ENR et l’électrification, nécessitent des infrastructures et des ressources qui sont difficilement disponibles. Les technologies à faibles émissions se multiplient, mais leur adoption à grande échelle reste limitée par la dépendance aux infrastructures existantes et les réticences politiques et économiques à changer radicalement les modèles d’affaires actuels. L’économie circulaire se développe, mais reste confinée à des initiatives locales sans impact significatif sur l’industrie globale, qui continue de dépendre d’une chaîne de valeur fortement carbonée. Les hydrocarbures comme les plastiques restent incontournables, et les objectifs de décarbonation sont encore loin d’être atteints. Les entreprises, bien que conscientes de la nécessité de changer, hésitent souvent à investir en raison des coûts initiaux élevés, d’une faible croissance et de l’incertitude sur les retours sur investissement.
Sur le plan social, la résilience du modèle de consommation traditionnel persiste, mais est fragilisée par une forte disparité de pouvoir d’achat et le vieillissement de la population. Les problèmes de santé, tels que l’augmentation des maladies dues à la pollution et à une anxiété croissante, et la difficile intégration des flux migratoires liés aux crises climatiques sont des préoccupations centrales qui occupent l’attention médiatique et les discours politiques. Les inégalités sociales se creusent, les populations les plus pauvres étant les plus affectées par les impacts du changement climatique et plus en difficulté à adopter les solutions d’adaptation proposées par le marché.
Hypothèse contrastée (H2) : Un réchauffement contrôlé par des politiques environnementales ambitieuses
La compréhension accrue des aléas climatiques et des mesures proactives efficaces ont atténué le réchauffement global et amélioré la gestion des crises environnementales qui demeurent actives et des ressources toujours rares et chères. Grâce à un renouvellement de leadership international plus ambitieux, des accords ont été établis pour interdire certains produits et processus d’exploitation fortement émetteurs de GES. Ces accords, renforcés par des taxes généralisées sur le carbone et les plastiques, ont contribué à structurer les politiques et les marchés transnationaux, permettant une gestion plus efficace des ressources naturelles. La reconnaissance de la nature en tant que sujet juridique a également marqué un changement majeur dans la manière dont les ressources naturelles et le vivant sont gérés par les activités humaines.
Les entreprises jouent un rôle clé dans cette dynamique. De plus en plus d’entreprises s’engagent dans l’écodesign, adoptant le concept de PaaS qui encourage la durabilité à travers la réparation et l’entretien des produits plutôt que leur remplacement. Le développement de l’économie circulaire, bien que d’abord limité à des initiatives locales, s’est étendu grâce à des modèles de décroissance pilotée et des avancées technologiques significatives. La production électrique décarbonée, incluant l’énergie nucléaire, a réduit la dépendance aux énergies fossiles. Les innovations technologiques ont également permis une réduction drastique de l’utilisation des plastiques et une amélioration des techniques de captation des GES dans l’atmosphère. Les sites d’enfouissement sont devenus de nouvelles sources de matières premières, transformant les déchets en ressources utilisables.
Sur le plan social, un changement de paradigme est observé chez les consommateurs, qui n’ont plus besoin de posséder un produit pour en profiter. Les communautés de consommateurs engagés et les communes en décroissance pilotée se développent, promouvant le partage des moyens et ressources devenus plus chers. Des pratiques communautaires novatrices, l’entrepreneuriat socio-écologique local, la microfinance et le partage intergénérationnel sont devenus des piliers du développement économique. Les investissements environnementaux internationaux augmentent, favorisant la gestion proactive des flux migratoires qui sont gérés et intégrés localement, réduisant les tensions sociales et économiques à l’échelle globale.Résumé : Des modèles de consommation alternatifs tendent à se développer sous l’impulsion d’une prise de conscience accrue des consommateurs. Elles demeurent toutefois entravées par des freins économiques et des inégalités socio-spatiales. De plus, ces alternatives requièrent le déploiement à grande échelle d’une sensibilisation des consommateurs qui peine à se mettre en place. Dès lors, la consommation responsable reste encore majoritairement identitaire, parfois associée à des formes de sacrifice personnel.
Hypothèse de rupture (H3) : Augmentation des crises climatiques, fragmentation économique et creusement des inégalités sociales
La fréquence et la gravité des crises climatiques augmentent, menaçant la stabilité des écosystèmes et entraînant une raréfaction des ressources naturelles. La perte d’importance des COP, marquée par la corruption et les intérêts particuliers, a mené à une rupture du consensus international et au désengagement des politiques de transition. La mésinformation nationaliste priorise les investissements en armement et la course aux exploitations de ressources.
Sur le plan économique, le modèle de développement reste linéaire : les hydrocarbures et les plastiques demeurent centraux, mais leur coût augmente, impactant la qualité des processus et des produits. Les marchés nationaux se fragmentent, entraînant un développement par niches où l’économie circulaire reste marginale, réservée aux riches et aux engagés. La technologie de pointe (fusion nucléaire, nouveaux matériaux, etc.) est le moyen et l’objectif de certaines stratégies de développement, notamment pour l’exploitation de ressources, le réarmement, et pour l’adaptation aux défis environnementaux. Les nations cherchent des ressources dans l’espace et aux pôles pour pérenniser leur modèle et soutenir leurs ambitions.
Sur le plan social, les inégalités se creusent, fragmentant davantage la société et marginalisant l’importance de la gestion des crises climatiques. Des consommateurs adoptent des principes d’économie circulaire (réparation, réutilisation) par nécessité : des communautés de partage et de citoyens engagés se développent mais restent isolées. La démographie chute en raison de l’éco-anxiété et d’une prise de conscience des enjeux planétaires, notamment ceux liés à la production alimentaire. Les conflits globaux exacerbent la crise environnementale, et les flux migratoires deviennent incontrôlables.